Shigesato Itoi
Né le 10 novembre 1948 à Maebashi, dans la préfecture de Gunma. Groupe sanguin A.
Responsable du passionnant site « Hobo Nikkan Itoi Shinbun », il a aussi travaillé dans la rédaction publicitaire pour le studio Ghibli. Il est également la mère de la série MOTHER.
Chose favorite : home run.
Plat préféré : croquettes.
Hobo Nikkan Itoi Shinbun : www.1101.com
Aujourd’hui nous publions la deuxième partie (suite et fin) d’une longue interview de Shigesato Itoi, le créateur de la série MOTHER. Elle fait suite à la première partie que nous avons mise en ligne la semaine dernière. Cette interview initialement parue en 2006 dans le magazine Nintendo Dream a été traduite par nos soins. Pour rappel, la page d’origine en japonais est archivée ici. Cette interview est une ressource inestimable d’infos sur MOTHER 3 qui vous éclairera sur les pensées de l’auteur, sa démarche et l’origine de nombreux éléments du jeu.
Bonne lecture !
La traduction a été réalisée par Jumpman, avec la contribution d’Anthiflo. Les captures d’écran de MOTHER 2 / EarthBound sont issues de la version française du jeu réalisée par la team MAMBO.
Attention, cet article fait référence à des éléments clés de l’intrigue de MOTHER 3. Cependant, nous avons masqué les passages qui nous ont paru les plus sensibles.
Itoi est devenu quelqu’un de bien
- ND : La partie qui est véritablement la plus triste dans le jeu tout entier, c’estCliquez pour afficher (révélation clé du jeu)le combat final.
- SI : …Oui.
- ND : Avant d’aborder [ce passage], parlons du scénario… À l’époque de la version N64, on dit que vous aviez écrit le scénario alors que vous étiez à l’étranger.
- SI : Je suis allé à Saipan et je l’ai écrit. J’étais vraiment heureux quand je l’ai terminé.
- ND : Comment est-il par rapport au scénario de la version Game Boy Advance ?
- SI : Dans les grandes lignes, il n’a pas changé. Cependant, il est devenu bien plus enjoué. Le scénario de la version N64 était beaucoup, beaucoup plus sombre. Par rapport à la situation actuelle, il me semble que quand j’ai écrit le script il y a 10 ans, concernant les aspects sombres et les aspects tristes, je ne faisais pas face à autant de confrontations. Je n’avais pas non plus beaucoup d’options qui s’offraient à moi pour le jeu, à l’époque. Et ainsi, je me suis dit que j’allais creuser dans la direction qui dérangerait les gens. Donc le scénario de la version N64 était plus sale que l’actuel.
- ND : Dans l’interview sur la N64, vous aviez mentionné votre volonté de « trahir le joueur ».
- SI : Oui. Il y a des passages que j’avais ajoutés uniquement dans le but de décevoir les joueurs… Il y a des éléments qui sont reliés à la série dans son ensemble, et même si d’un point de vue commercial c’est très bien d’en faire une routine, moi, je faisais ce jeu parce que j’y prenais du plaisir, et j’avais envie de prendre des risques. C’est juste que j’avais quelques scrupules, en me disant que j’avais peut-être tort d’utiliser ce procédé. Un peu comme en lutte sumo si mon adversaire avait fini par m’infliger un tomoe-nage.
- ND : Comme si vous vous mettiez vous-même en situation de ruine. (rires)
- SI : Et qu’on me disait : « C’est une cause perdue ! » (rires) Mais à l’époque de la version N64, c’est ce que je recherchais.
- ND : Donc pourquoi la version GBA s’est retrouvée avec ce scénario plus enjoué ?
- SI : (marque une pause pour réfléchir)… J’imagine que je suis devenu quelqu’un de bien.
- ND : (rires)
- ND : Est-ce que vos fidèles fans de MOTHER ont contribué à vous faire devenir « quelqu’un de bien »1 ?
- SI : Pas du tout. Je peux tout de suite affirmer que je n’ai pas été changé par les fans. Si c’était le cas, alors Yujiro Ishihara et Ken Takakura2 seraient des personnes différentes maintenant, à cause de moi. (rires) Je suis reconnaissant pour les messages que je reçois de mes fans. Ça me rend heureux, mais ce n’est certainement pas comme si ça suffisait pour changer une personne. Ce n’est pas comme ça que ça marche. Vous ne pouvez pas simplement faire en sorte d’être influencé par les gens.
- ND : Eh bien c’est un peu rude !
- SI : Non, non. Ce qui compte ici c’est le groupe de personnes qui m’entourent. Comme quand un employé se marie ou quelque chose comme ça.
- ND : Je vois.
- SI : Quand nous avons fait MOTHER 2, il n’y avait pratiquement aucun homme marié parmi nous. Les personnes impliquées dans le développement d’un jeu, ça ressemble à un groupe de dingos, qui contamine l’air avec cette attitude prétentieuse qui blasphème quiconque n’étant pas adepte des nuits blanches [sur le projet]. Les magazines de jeux, c’est pareil. (rires)
- ND : Le secteur de l’édition est rempli de célibataires. (rires)
- SI : Comme pour dire : « Si vous recherchez un bonheur normal, vous feriez mieux d’aller dans une compagnie respectable ! » (rires) À une époque, ça donnait aux gens un grand sentiment de fierté de penser de cette façon. C’est comme se vanter en disant : « Mon vieux, j’ai fumé trop de cigarettes et maintenant je me sens mal. »
- ND : (rires)
-
La société d’Itoi, « Tokyo Shigesato Itoi Office », emploie environ trente personnes. Son site web « Hobo Nikkan Itoi Shinbun » fête [au moment de la publication de l’article] son 8e anniversaire depuis son lancement initial.
- SI : Mais en y regardant avec les yeux d’aujourd’hui, je vois par exemple à quel point je suis heureux quand un collègue a un enfant, et à quel point je me sens triste quand un employé tombe malade. C’est comme si j’étais littéralement devenu un père moi-même. Donc si je cherche à me donner des apparences et que je meurs à cause de ça, je l’aurai fait pour rien. Je ne peux pas faire mon travail correctement si je suis trop occupé à tousser à cause de la cigarette. (rires)
- ND : Alors c’est pour ça que vous avez arrêté la cigarette. (rires)
- SI : Le changement s’est produit pendant la longue période où nous développions MOTHER 3. (rires)
-
Itoi était un si gros fumeur qu’on aurait dit qu’il posait pour une publicité pour des cigarettes. Mais même lui s’est imposé un sevrage brutal il y a quatre ans « pour faire correctement son travail ».
Écrire le scénario, ça m’a donné les larmes aux yeux
- ND : Bien, passons au sujet de ce combat final poignant. Quiconque ayant l’expérience de ce combat final ferait une grimace comme celle de Kou Shibasaki dans la publicité3.
- SI : Mme Shibasaki parlait avec le cœur de ses sentiments à l’égard de MOTHER 3, donc en la laissant s’exprimer avec un tel naturel, cela a produit de merveilleuses expressions sur son visage.
- ND : Ce combat final est vraiment à vous arracher le cœur.
- SI : Pour les dialogues de cette scène finale, j’avais plusieurs choix pour chaque réplique. Donc plutôt que de tout écrire d’une seule traite, il a fallu que je prenne chaque réplique, personnellement, et que j’assimile vraiment chacune d’entre elles. Pour une scène comme celle-là, ce n’est pas comme si vous pouviez faire une nuit blanche de brainstorming avec toute l’équipe pour discuter des dialogues. J’avais mis de côté ce passage pour le laisser mûrir, puis plus tard, je me suis complètement séparé de mes autres activités, je me suis isolé de tout le monde, et je me suis concentré sur sa rédaction. Donc ça a été une période très difficile, mais j’étais très content une fois que tout était mis en place. Oui, même maintenant avec le recul, c’était une expérience incroyable4.
- ND : Même les joueurs se sont sentis inspirés par l’expérience incroyable que c’était. Le combat final, c’est une sacrée histoire de famille.
- SI : Oui.
- ND : Il y a une guerre qui a éclaté entre les frères, mais la présence de la mère est extrêmement forte dans cette scène.
- SI : C’était un passage très compliqué. La mère voulait réprimander ses deux enfants pour qu’ils arrêtent, mais il fallait qu’elle soit un peu plus dure avec Lucas, qui était toujours vivant. Mais celui dont on a le plus pitié, c’est Claus. Plus encore que le bien, c’est le mal qui a besoin d’être secouru. Il y a une signification profonde derrière cela, mais puisque nous ne pouvions écrire qu’en hiraganas5, il fallait que ça reste simple.
- ND : Et il fallait que ça reste court, aussi. Malgré tout, je trouve que le combat final saisit le cœur du joueur et arrive quand même à rester équilibré.
- SI : Oui. Mais même si je pouvais trouver un équilibre dans les dialogues, il fallait que je me mette à genoux devant le personnel de Brownie Brown pour les supplier de programmer les opérations dans le jeu avec suffisamment de perfection pour ajouter la temporisation extrêmement subtile entre les répliques. En plus de ça, tout le monde est différent dans la façon dont on est affecté émotionnellement.
- ND : Donc chaque joueur est probablement touché par des scènes différentes du jeu.
- SI : Pour moi, même si je l’ai écrite moi-même, il y a une réplique qui me démolit complètement.
- ND : Et c’est… ?
- SI : Quand elle dit : « Tu dois être si fatigué. »
- ND : Ah… (Sans voix, et la larme à l’œil)
- SI : Tellement triste… (remarque les larmes du journaliste) Oh, le simple fait de le dire, c’est déjà trop, n’est-ce pas ?
- ND : « Tu dois être si fatigué »… Je suis désolé. C’est trop, même le simple son de cette réplique.
- SI : C’est tellement, comment dire… eh bien, c’est une réplique qui peut même faire pleurer un garçon, n’est-ce pas…
- ND : C’est vrai… Alors même qu’il a tant malmené son frère, sa mère vient et lui dit : « Tu dois être si fatigué. Allez, viens près de ta mère. »
- SI : Oui… Cette réplique-là, « Tu dois être si fatigué »… bon sang, celle-là, elle ne va pas vous laisser indifférent.
- ND : Sérieusement, c’est une réplique dangereuse. (rires)
Une fin comme une marche à travers la ville après la nuit tombée
- ND : Est-ce que vous aviez prévu depuis le tout début de faire s’affronter les deux frères ?
- SI : Oui. Les choses ont tourné de cette façon-là cette fois, mais il y avait un certain nombre d’autres choix encore pires que j’aurais pu faire.
- ND : Comme ?
- SI : Par exemple, des choix qui vous feraient vraiment vous interroger sur les personnages principaux avec un regard extérieur. Il y avait un grand nombre [d’options] dans ce genre-là. Mais parce que je savais que j’avais à choisir parmi de nombreuses scènes pour le combat final, j’ai préféré repartir d’une feuille blanche. Et malheureusement pour mon équipe de travail, j’ai simplement dit à tout le monde : « hé, pour la fin, j’sais pas combien de temps ça va prendre », et j’ai continué à travailler sur le sujet.
- ND : Donc alors même que les autres parties avançaient dans la production, celle qui n’avait pas encore été décidée, c’était le combat final.
- SI : Cette méthode de production est identique à celle du directeur Miyazaki6. Quand il travaille sur sa scène finale, M. Miyazaki se contente de dire : « Je ne connais pas la fin non plus. » Mais si vous n’adoptez pas cette technique, vous n’arriverez peut-être pas à vous surprendre vous-même lorsque vous y travaillerez.
- ND : Je vois.
- SI : Pour la version N64, j’envisageais comme autre possibilité de n’avoir tout simplement aucun dialogue pendant le combat final. Je voulais garder cette scène encore plus vague, et laisser complètement le joueur donner libre cours à son imagination.
- ND : Qu’est-ce que vous voulez dire par « vague » ?
- SI : Comme ce qu’il se passe quand le dragon est ramené à la vie, et le fait qu’il reste ou non un quelconque espoir… en quelque sorte, ça n’a été expliqué qu’à moitié à la fin. Là aussi, on a un sentiment de doute sur le fait qu’il reste un espoir ou non, mais tout le monde a l’air plutôt insouciant à la fin. C’est comme une manifestation de l’énergie humaine, cette fois, donc c’est plus positif que dans la version N64.
- ND : À la fin, le dragon est ramené à la vie et l’île est complètement détruite, mais tout le monde est encore vivant, n’est-ce pas ?
- SI : C’est exact. Donc pour faire ressortir l’énergie de ces êtres humains, quoi qu’il arrive, Hinawa et Claus devaient s’assurer de faire leurs adieux à tout le monde.
- ND : Oh, c’est vrai ?
- SI : C’est le thème du combat final.
- ND : À la fin, Lucas a réussi à retirer la dernière aiguille. Mais s’il s’était avéré que c’était Claus qui avait retiré l’aiguille, alors… ?
- SI : En effet, que serait-il arrivé si Claus l’avait retirée ? Je suis sûr que la même chose serait arrivée, sauf qu’à la fin, tout — même le souffle de la vie lui-même — se serait éteint. Même le dragon, lui aussi.
- ND : Même le dragon ?
- SI : Oui, même le dragon. Si telle avait été la conclusion, alors même le créateur lui-même ne serait plus en vie, et donc il n’y avait aucune chance que j’aie pu écrire cela… Pas si ça devait être la fin pour moi aussi. Il n’y a aucune chance que j’aie pu mettre une fin comme celle-là. Ce n’est rien d’autre que de la simple philosophie. (rires)
- ND : Vous aviez expliqué comment, dans la version N64, quand on arrive à la fin, c’est d’un blanc pur comme le matin après une longue nuit noire.
- SI : Cette fois-ci ça y ressemble un peu aussi, n’est-ce pas ? Donc dans cette scène de « FIN ? », on nous dit, eh bien, que c’est terminé. Vous éprouvez le sentiment que les créateurs, les personnages du jeu, et vous-même — le joueur — arrivez en sécurité jusqu’au matin et vous baladez ensemble dans une ville jonchée de détritus. Peut-être que les enfants ne comprennent pas ça, étant donné qu’ils n’ont jamais vraiment marché dans une ville après une longue nuit.
La fin du monde, 5,5 milliards d’années plus tard
- ND : À la toute fin, les lettres du logo de MOTHER 3 sont désormais entièrement en bois, et la lettre O prend désormais la forme de la Terre.
- SI : Oui, c’est exact.
-
La partie métallique disparaît et la Terre de MOTHER revient à son état naturel dans le logo de fin.
- ND : Comment cette idée vous est-elle venue ?
- SI : Je me suis dit, et si la Terre avait fait ça de nombreuses fois et qu’elle s’était simplement rétablie d’elle-même ? Les êtres humains pensent que quelque part, ils vont perdurer pour l’éternité, mais en réalité, il n’existe rien de tel que l’« éternité ». Parmi toutes les informations que j’ai acquises depuis que je suis adulte, il y en a certaines qui ont eu une influence sur la personne que je suis aujourd’hui. L’une d’entre elles, c’est le fait que la Terre n’existera plus d’ici 5,5 milliards d’années.
- ND : Donc même la Terre qui semble infinie s’éteindra un jour.
- SI : On m’a dit que la Terre s’était formée il y a 4,6 milliards d’années, et qu’il ne restait encore que 5,5 milliards d’années, mais c’est facile d’exprimer ça avec de simples mots. Donc la fin est essentiellement une présomption basée sur cette idée que le monde disparaîtra dans 5,5 milliards d’années, et en attendant, nous sommes tous simplement en train de participer au jeu. Dans le monde dans lequel nous sommes destinés à périr, nous nous entraidons, nous nous haïssons, et nous nous aimons. Certains pourraient dire que lorsque la Terre périra, nous rejoindrons une autre étoile, mais même cette étoile-là périra un jour, elle aussi7.
- ND : C’est juste.
- SI : De la même façon que chacune de nos vies finira par se terminer, ce que nous pensons être la plus grande chose au monde — la planète elle-même — finira un jour par arriver à son terme également. Il y a une sorte de sensation de fraîcheur à en prendre conscience. Si les gens pensent que le monde va continuer à exister pour toujours, ils vont réfléchir à une infinité de choses qu’ils vont devoir continuer à améliorer.
- ND : C’est tout naturel de penser de cette façon, n’est-ce pas.
- SI : Oui. Mais pour moi, ces idées d’amélioration sans fin sont des démonstrations d’abnégation. Après tout, ce qui est « bien » et ce qui est « mal » varie selon la situation. En plus de ça, il y a peut-être des personnes avec des pensées dangereuses, comme : « Pour pouvoir faire du monde un endroit meilleur, je vais vous tuer. » Prenez la guerre, par exemple. N’est-ce pas de cela qu’il s’agit ?
- ND : C’est vrai.
- SI : Mais quand la fin du monde arrivera dans 5,5 milliards d’années, le simple fait de savoir que tout est voué à prendre fin permet d’éviter facilement d’être poussé dans cette direction. Je dirais que parce que les choses finiront par disparaître d’une façon ou d’une autre, on peut soutenir tout ce qui est en vie aujourd’hui.
- ND : Donc vous dites : prenons en considération tout ce qui existe sur terre actuellement.
- SI : Oui. Si l’on imagine le monde comme un grand, un magnifique plateau de jeu, par exemple, sur ce plateau, on prend même en considération les taupes-grillons comme étant des participants. (rires) De même pour les méchants. Le jeu porte le message : « Même vous, les mauvaises personnes, je vais vous considérer comme des participants ! »
- ND : Les taupes-grillons aussi. Les méchants aussi. (rires)
- SI : C’est ça. Le fait de savoir que le monde prendra fin dans 5,5 milliards d’années me donne en réalité du courage. Il n’y a rien que je puisse faire pour empêcher que tout se termine, donc tant que j’ai ma vie, je voudrais l’apprécier. J’ai fait de mon mieux pour me retrouver ici, donc je veux partir en beauté. Mais c’est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Bien sûr, ce n’est pas bon d’aller causer des problèmes aux autres, mais même s’il y a quelqu’un qui est manifestement au cœur de problèmes, même dans ce cas je veux pouvoir mourir en pensant : « Je sais pourquoi tu es né ! » Je veux pouvoir mourir après avoir vécu ma vie au maximum. Et je veux dire aux autres d’en faire de même. Je veux dire à l’humanité d’en faire de même.
50 % du jeu se situe à l’intérieur du joueur
- ND : Nous avions posé la même question dans l’interview sur la N64, mais encore une fois, pouvez-vous nous expliquer le message derrière le mélange entre bois et métal dans le logo de MOTHER 3 ?
- SI : Alors, j’ai tendance à donner une réponse différente à chaque fois. (rires)
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Le logo de MOTHER 3 est un mélange de bois et de métal.
- SI : Quand des choses qui ne vont pas ensemble sont attachées les unes aux autres, c’est déstabilisant mentalement. Je n’ai écrit qu’un seul roman8, et dans les premières pages, j’ai parlé d’un corbillard. Un corbillard transporte un cercueil constitué à la fois de métal et de bois, mais quand vous essayez de comprendre comment et à quel endroit ces éléments sont reliés entre eux, ça vous fait vous sentir un peu bizarre. Le fait qu’il soit conçu pour transporter des corps est aussi intéressant. De nos jours, tout peut être vu de cette même façon. Et il n’est pas question se demander si l’on peut nier l’existence de ces choses-là. Dans cette pièce, par exemple, il y a une table en bois… mais c’est un bâtiment en béton armé. On combine de force des choses incompatibles, on les fait se correspondre…
- ND : Comme les choses sur le mur derrière vous. Ces rouleaux manuscrits accrochés à même le mur en béton…
-
L’interview s’est déroulée dans la pièce traditionnelle japonaise dans les bureaux d’Itoi. Accrochés au fond, se trouvent de célèbres rouleaux manuscrits de Yosui Inoue et Woody Allen.
- SI : Voilà. J’ai l’impression que tout ça, ce sont des choses des temps modernes — ces sensations de malaise et d’inconfort. Mais je comprends tout de même qu’elles forment le monde dans lequel je suis. Ce logo, c’est ça qu’il symbolise. Et Porky lui, il symbolise l’humanité. Donc dès le début, j’ai voulu incorporer ces choses horriblement déplaisantes dans le logo ; c’était une situation perdant-perdant. Mais je ne l’ai pas changé pour autant, cette fois-ci non plus.
- ND : Le logo n’a pas changé depuis la version N64. Il a été accompagné de toutes sortes de sous-titres9 dans la version N64, mais pourquoi est-ce que vous vous en êtes tenu à MOTHER 3 tout court, cette fois-ci ?
- SI : La signification sous-jacente d’un jeu varie beaucoup selon les joueurs. Les joueurs ajoutent aux jeux plus de la moitié de leur sens et de leur valeur, c’est plus que pour n’importe quel autre mode d’expression. Donc j’ai le sentiment que la moitié que vous avez ajoutée vous appartient totalement… tout ce que j’ai fait, c’était d’apporter mon assistance. Si vous gardez cette idée à l’esprit, les sous-titres portent un message trop fort qui dit : « Je veux que vous le voyiez de cette façon. » Cela restreint ce monde qui appartient au joueur. Mes sentiments personnels m’incitent à vouloir soutenir tout ce que le joueur pense du jeu. Je voulais faire de MOTHER 3 comme un miroir. Un miroir qui reflète le cœur du joueur hors de l’écran.
- ND : Bien, alors j’imagine que vous pourriez dire que les sous-titres sont situés dans le cœur de chacun des joueurs.
- SI : C’est ça. On pourrait presque organiser un concours de : « Quel sous-titre utilisez-vous ? » Mais en réalité, c’est la phrase « BIENVENUE DANS LE MONDE DE MOTHER 3 » qui est le véritable slogan.
- ND : Vraiment ?
- SI : « LE MONDE DE MOTHER 3 », c’est juste une esquisse, en quelque sorte. Tant que quelque chose existe dans ce monde-là, tout ce qui existe, jusqu’à la façon dont son histoire est racontée, fait partie de ce monde.
- ND : Je vois.
- SI : De nos jours, les gens recherchent toujours la cohérence. Prenez, par exemple, un endroit agencé avec rien d’autre que des bonzaïs. Les gens trouveraient ça étrange s’il y avait tout à coup une rose parmi eux. Mais ce MONDE DE MOTHER 3 qui est le mien, y compris son logo, est l’essence même de l’incohérence. S’il arrivait qu’un enfant voie Mickey Mouse à Disneyland et qu’il me dise : « Ça n’existe pas, une souris grande comme ça ! », j’aurais envie de répondre à cet enfant : « Bien sûr que si, ça existe, elle est juste là. » Ce genre de trucs, c’est un peu mon thème pour ce jeu. Comme si je disais : « Allons jouer sur cette île ! » Mais… pas de la même façon que ce que Porky aurait à l’esprit10.
5,5 milliards d’années plus tard, Porky vivra toujours
- ND : Porky n’a pas fait les choses à moitié quand il s’agissait de s’amuser.
- SI : En parlant du côté joueur de Porky, le poulpe sur lequel vous montez pour quitter l’île de Tanetane ressemble au début à un marin tout équipé, n’est-ce pas.
- ND : Son apparence initiale d’homme de la mer avait vraiment du style. (rires)
- SI : N’est-ce pas qu’il a l’air chic, au début ? (rires)
- ND : Mais quand il s’est transformé en taxi poulpe d’un seul coup, ça m’a vraiment fait un choc.
- SI : Quand je m’amusais à faire des bêtises comme ça, ça me faisait un peu me sentir comme Porky. (rires)
-
La forme véritable du marin à l’allure suave est assez surprenante.
- SI : Quand je fais ce genre de choses, j’ai l’impression de comprendre Porky. Depuis la nuit des temps, l’homme a toujours peint le paradis et l’enfer. Mais personne ne s’est jamais vraiment amusé en dessinant le paradis. Les gens s’amusent toujours plus en dessinant l’enfer.
- ND : L’enfer est plus intéressant que le paradis… Je peux comprendre.
- SI : C’est un fait de l’humanité.
- ND : Mais Porky est devenu extrêmement malfaisant. On pourrait même aller jusqu’à dire que c’est un démon.
- SI : Les gens ne sont pas simplement méchants par nature, dans le fond.
- ND : Donc il a fait tout ça pour jouer.
- SI : Oui. Par exemple, tout au centre du spectre, vous avez le plaisir et les jeux. Plus loin, vous avez les blagues malveillantes, et les crimes. Et au-delà de ces crimes, vous avez le mal. Et du côté opposé, vous avez la véritable incarnation de la justice. Mais pour moi, le mal et l’incarnation de la justice sont tout deux déplaisants. L’espace entre ces deux extrêmes, c’est une chose qui fluctue entre les blagues malveillantes et les crimes, comme plus ou moins retirer une aiguille, faire mal tourner les choses, et infliger des souffrances à d’autres personnes sans le vouloir. Mon thème est en rapport avec ce genre de problème là. C’est très captivant.
- ND : La frontière ténue entre s’amuser et faire des blagues malveillantes…
- SI : Voilà. Quand j’étais jeune, il m’est souvent arrivé de me faire réprimander pour des choses que j’avais faites juste pour m’amuser, parce que le professeur trouvait ça vilain. Et je me disais : « Hein ? La frontière [entre le bien et le mal] est tracée… là ? » (rires) N’est-ce pas la même chose pour Géant dans Doraemon ? Quand il dit : « Je me demande si tout le monde va se mettre en colère si je fais ça… » On dirait que les gens ne se demandent si une chose est bonne ou mauvaise qu’après l’avoir déjà faite.
- ND : Encore récemment, il y a eu l’affaire de ce patron d’hôtel qui avait fait construire le bâtiment en enfreignant toutes les règles de sécurité. Alors ils ont dû complètement remettre l’endroit en état après être juste allé trop vite dans la construction. (rires)
- SI : N’est-ce pas ? (rires) Il y a beaucoup de gens comme ça dans ce monde.
- ND : Et cette fois-ci, il y a beaucoup d’objets qui traînent çà et là qui nous rappellent Porky et son ancien voisin, Ness, mais on se demande quel genre de sentiments Porky a pour lui véritablement11.
- SI : Cette partie-là a été la plus amusante à faire. Porky n’avait aucun ami, vous savez. Donc peut-être qu’il n’a fait que jouer avec Ness pendant tout ce temps. Porky est probablement devenu comme ça juste parce que ses parents étaient aussi méchants.
Le père de Porky, Aloysius. Tout comme son épouse, il dégage une impression vraiment atroce.
- ND : Les chiens ne font pas des chats. (rires)
- SI : Oui. Ses parents étaient assez horribles.
- ND : Et ce Porky tel que nous le connaissons saute dans la Capsule de sécurité absolue à la toute fin.
- SI : (rires)
- ND : Ça veut dire que même quand le monde s’écroulera, Porky ne mourra jamais.
- SI : Donc d’ici 5,5 milliards d’années, Porky sera toujours en vie… Mais la douleur que ça implique est incroyablement déprimante à mes yeux. C’est stupéfiant… Porky est véritablement un poème à lui seul.
Fassad, la souris, et Kazuko Matsuo
- ND : Même pour un méchant, il y a des choses qu’on n’arrive pas à détester chez Porky. Mais on peut en dire autant pour Fassad, n’est-ce pas.
- SI : On se demande bien ce qui est arrivé à Fassad. Il a dû rencontrer quelqu’un de vraiment horrible. Comme je le disais tout à l’heure, c’est la même chose que de passer du jeu aux petites vacheries, des petites vacheries aux gestes impardonnables, des gestes impardonnables au crime. S’il y a une sorte de déclencheur derrière, même la personne la plus gentille peut finir par faire quelque chose d’atroce.
- ND : Et Fassad s’est révélé être le dernier Magypgy…
-
Lorsqu’on découvre la vraie nature de Fassad, on est envahi d’un mélange d’émotions qui vont du choc à la tristesse.
- SI : Oui. Parmi les sept Magypsy, il y en a un qui est resté seul, et qui est parti faire des choses de plus en plus mauvaises. Ce genre de personnes sont généralement celles qui ont le plus de pouvoir. C’est terrifiant quand quelqu’un comme ça passe de l’autre côté.
- ND : Ça c’est terrifiant.
- SI : En fait, je n’ai pas vraiment préparé de réponses au sujet de Fassad. Donc si vous voulez vraiment connaître la réponse, j’aimerais que vous lisiez le Tannisho12 et que vous y réfléchissiez.
- ND : Le Tannisho ? Mais aussi méchant que puisse être Fassad, il y a une souris qui est restée à ses côtés.
- SI : Tout à fait. C’est ça qui est important. Et vous savez, ça fait depuis la sixième que je comprends ça. Il y avait une chanteuse appelée Kazuko Matsuo qui interprétait une chanson avec les Mahina Stars. C’était une certaine « ballade lunaire » appelée « Réunion »13, et les paroles commençaient comme ça : « Je ne pouvais plus te voir, et pour la première fois, j’ai connu les profondeurs de l’amour plus que celles de l’océan. » Puis la deuxième ligne fait : « Tout le monde dit que c’est une mauvaise personne, mais pour moi ça a toujours été quelqu’un de bien », et elle chante au sujet de cet homme qui est en prison. Même si c’est une chanson de ce style-là, elle a fait son apparition lors du Concours de chant rouge et blanc14 il y a longtemps. (rires)
- ND : (rires)
- SI : À l’époque, elle était régulièrement diffusée à la télévision. Et pendant cette sortie scolaire, nous étions dans le bus et le guide nous dit (imitant la voix du guide touristique du bus) : « J’ai passééé un trèèès bon momeeent en votre compagniiie braaaves geeens aujourd’huiii. Bientôôôôt, il va être l’heuuuure de se sépareeeer. Alors maintenaaant, j’aimeraiiiis vous chanteeer une chansooon. » Et il commence à chanter « Réunion ». Je me suis dit, bon, le titre est correct, mais ce n’est pas vraiment une chanson à interpréter quand vous dites au revoir à un écolier !
- (Les deux éclatent de rire)
- SI : C’était en sixième. J’ai trouvé que c’était déplacé. (rires) Mais vous savez, cette chanson me paraissait très érotique. Quand j’ai entendu comment une femme était amoureuse d’un homme que tout le monde qualifiait de méchant, j’ai trouvé ça vraiment incroyable. Ne ressentez-vous pas la même chose par rapport au ton général de MOTHER 3, dans l’ensemble ?
- ND : Et c’est là qu’entre en jeu la souris qui est attachée à Fassad.
- SI : C’est ça. Donc MOTHER 3 ne serait peut-être pas du goût des personnes qui ne peuvent apprécier les zones grises. Elles voudraient juste exiger que les personnages soient soit des gentils, soit des méchants. (rires)
-
Dans cette merveilleuse scène, cette souris est séduite par Fassad, peu importe le visage qu’il montre.
- ND : Intéressant, je vois comment ça pourrait être le cas. Donc il y a des choses qu’on n’arrive pas à détester chez Fassad non plus.
- SI : Alors assurez-vous d’avoir recours à « Réunion » de Kazuko Matsuo comme élément de référence. (rires)
Le secret de Flint, le secret de la poignée de porte
- ND : Au fait, il y a des rumeurs qui disent que Flint est en réalité Ness15.
- SI : Ça fait même depuis la version N64 que je me dis qu’il va y avoir des rumeurs comme celle-là. Des discussions à ce sujet ont eu lieu au sein de l’équipe de développement, et j’ai fait en sorte que si les gens le pensaient vraiment, ils pourraient continuer à le penser s’ils en avaient envie.
- ND : Donc en quelque sorte, le reste dépend de l’imagination de chacun.
- SI : J’ai essayé de faire en sorte que les gens puissent imaginer tout ce qu’ils veulent. Ça me fait penser, dans la scène de la dernière aiguille, est-ce que vous avez parlé à Flint après que son chapeau s’est envolé ?
- ND : Je lui ai parlé, mais…
- SI : Eh bien, il y a quelque chose qui se passe si vous êtes extrêmement insistant et que vous continuez à lui parler. C’est presque une astuce secrète, parce que j’ai ajouté teeellement de répliques, vous ne vous attendriez jamais à pouvoir parler à quelqu’un pendant aussi longtemps.
- ND : Donc vous devez rester là et parler à Flint pendant une scène où vous vous préparez anxieusement pour le combat final ?
- SI : Oh, c’est une scène qui empeste l’appréhension. Je ne veux pas que les gens se promènent et jacassent dans un endroit comme celui-là ! (rires)
- (Les deux éclatent de rire)
- SI : C’est un endroit qui vous ferait vous dire : « Pourquoi diable êtes-vous en train de déterrer un nouveau secret ? » (rires) Alors que nous approchions de notre date de sortie, je suis allé voir un de nos collaborateurs chargé de vérifier le jeu de manière très rigoureuse et je l’ai prié de mettre ça dedans. [Collaborateur :] « Allons, tu vas me faire changer la couleur des yeux tant qu’on y est. » Mais j’étais là, à lui dire, si tu ne le mets pas, je ne vais pas être satisfait du tout ! (rires)
- ND : (rires)
- SI : [Collaborateur :] « Mais il y a déjà des tonnes de répliques. C’est déjà terminé ! » (rires)
- ND : Je ferais bien d’aller voir ça quand j’y jouerai pour la deuxième fois.
- SI : Je crois que le nombre de fois que vous deviez parler à Flint était environ de six. Je m’étais dit que c’était assez suffisamment enfoui pour un secret à déterrer par les joueurs. (rires)
- ND : Pour terminer, j’aimerais vous interroger à propos de la poignée de porte qui apparaît tout au long de l’aventure.
- SI : Comme vous le savez peut-être, Il y a quelqu’un qui a remarqué ça, et qui a posté quelque chose de vraiment incroyable sur internet. « Même si la porte était toujours ouverte, elle ne s’ouvrait pas. C’est parce qu’elle ne pourrait pas s’ouvrir sans une poignée. …Mais le joueur a reçu cette poignée. Ainsi, avec cette poignée, le joueur pourrait ouvrir cette porte à tout moment. » Ce sentiment m’a rendu tellement heureux. Ça m’a vraiment frappé que tant de gens puissent avoir tant d’idées différentes lorsqu’ils jouent au jeu.Cliquez pour afficher (révélations issues du chapitre 8)cette poignée de porte devient la propriété du joueur à la fin du jeu16.
- ND : Alors faisons MOTHER 4 !
- SI : Pfiou… (rires) À vrai dire, c’était déjà assez dur de venir à bout du 3.
- ND : Mais lorsque vous développiez le 2, vous deviez avoir quelques concepts pour le 3 qui vous venaient à l’esprit, non ? Donc cette fois-ci, est-ce qu’il y a eu des idées à propos du 4 ?
- SI : Cette fois-ci, j’aimerais être le joueur. (rires)
- ND : Il y a de nombreux jeux dont vous pouvez être le joueur.
- SI : Donc si quelqu’un m’approchait et déclarait qu’il aimerait faire MOTHER 4, il se pourrait que je lui dise tout simplement de tenter le coup. (rires) S’il y avait un MOTHER 4, j’aimerais y jouer.
Les croquettes par lesquelles jure Itoi
De délicieuses croquettes à Kichijoji
- ND : Dans MOTHER 2, il y avait une pancarte qui disait « MOTHER 3 en développement », mais est-ce que cette fois encore le jeu contient une déclaration issue du développement ?
- SI : Oui. C’est dans une conversation au premier étage de l’auberge au chapitre 4. Quelque chose comme : « Est-ce que je peux prendre cet onigiri ? — Bien sûr, vas-y. » (rires) Cette conversation arrivait tous les jours pendant le développement. C’était une conversation terriblement symbolique. (rires) Il y a un centre commercial appelé Lonlon dans la gare de Kichijoji, et j’y allais tous les jours pour acheter des onigiri17.
- ND : La société de développement Brownie Brown est située dans le quartier de Kichijoji à Tokyo, c’est ça ?
- SI : Oui. Mais dans notre équipe, il y avait ce type qui était tellement conservateur sur le plan financier, que même pour quelqu’un de conservateur il était conservateur. En permanence, même s’il y avait toutes sortes de nourriture en vente, il n’allait absolument, catégoriquement nulle part excepté à l’un des deux magasins du coin pour acheter des onigiri. Quand on passait par là, ça ne ratait pas, il y était. (rires)
- ND : (rires)
- SI : Et quand on se disait qu’il n’était pas là cette fois, il était tout simplement à l’autre endroit avec des onigiri. (rires)
- ND : Il paraît que vous avez trouvé des croquettes à Kichijoji que vous aimiez vraiment beaucoup.
- SI : Mon vieux, comme j’aimerais manger une de ces croquettes là tout de suite.
- ND : Elles sont si bonnes que ça ?
Est-ce que c’est Itoi qui parle dans l’auberge ?
- SI : Oui. Elles sont croustillantes à l’extérieur, mais tellement moelleuses à l’intérieur. Elles ont toujours l’air fraîchement préparées, et elles sont teeeellement bonnes ! C’est dans ce centre commercial de Lonlon. J’ai envie d’en manger maintenant ! Le nom de la boutique, c’est Antendo. An-ten-do, vous l’avez ? (rires) En fait, l’été dernier, j’étais à l’hôpital pour subir une assez grosse opération. Et donc pendant mon rétablissement, on m’a demandé : « Qu’est-ce que vous aimeriez manger ? » Bon, la nourriture d’hôpital est infâme, alors j’ai dit (commence à imiter une respiration difficile) : « À Kichijoji…… il y a un endroit… appelé Nakabayashi…… allez à ce Nakabayashi… et… achetez quelques…… croquettes… » (rires)
- (Les deux éclatent de rire)
- ND : Elles sont si bonnes que ça, hein ? (rires)
- SI : Elles sont pour moi ce qu’est MOTHER 2 pour les fans. J’aimerais simplement dire ceci : il n’y a pas d’autres croquettes qui les surpassent. (rires)
Chez Antendo, on trouve la mère de toutes les croquettes ! C’est absolument délicieux~ ! Les croquettes sont exposées sous cette pancarte circulaire tous les jours à midi et 16h.
Peigneur de plages et osselet de dauphin
L’amulette protectrice du pêcheur
- ND : Qu’en est-il de cet osselet de dauphin qu’on peut ramasser partout sur la plage ?
- SI : J’ai en réalité mon propre pendentif d’osselet de dauphin. Lorsqu’un dauphin meurt, il flotte parmi les vagues pendant un long moment, et tandis que ses os de toutes sortes commencent à fondre progressivement, seul l’os à l’intérieur de son oreille arrive jusqu’au bord du rivage sans fondre. Il y a cette activité qu’on appelle peigner les plages, et l’osselet de dauphin est une chose que vous pouvez ramasser à cette occasion. C’est une sorte d’amulette protectrice pour les pêcheurs, les surfeurs, et les gens qui souhaitent revenir à cet endroit. Quand j’en ai entendu parler, j’ai trouvé ça vraiment bien et je m’en suis acheté un. Ça m’a rendu heureux, et il y a eu une époque où il pendait à mon cou, donc j’ai décidé de le mettre dans le jeu.
Le poulpe Octo adore peigner les plages. N’y avait-il pas Bronson qui le faisait, aussi ?
Ainsi s’achèvent les récits de M. Itoi sur le MONDE DE MOTHER 3.
Nous espérons que les récits amusants et enjoués d’Itoi derrière le monde de MOTHER 3 vous seront bien utiles la prochaine fois que vous partirez vous amuser sur l’Île. Merci d’avoir lu ! Passez le bonjour à la prochaine grenouille que vous croiserez.
Notes
- L’influence des fans fidèles de MOTHER : Il y a trois ans, Itoi a fait une apparition lors d’un événement au magasin TSUTAYA à Shibuya pour célébrer la sortie de MOTHER 1 + 2. Il était directeur de magasin le temps d’une journée, et les fans se sont rassemblés en masse à l’événement, jusqu’à passer préalablement la nuit dehors.
Les fans étaient tout excités à l’idée de prendre une photo avec Itoi !
- Yujiro Ishihara et Ken Takakura : Deux acteurs japonais célèbres.
- L’expression de Kou Shibasaki dans la publicité : Dans la publicité télévisuelle japonaise de MOTHER 3, on voit l’actrice célèbre Kou Shibasaki en train de retenir ses larmes pendant qu’elle fait part de ses impressions sur le jeu. Jouez au jeu par vous-même et vous comprendrez certainement ce qu’elle ressent.
N’importe qui pleurerait pendant [cette fameuse scène].
- Nuit blanche de brainstorming du script : Parmi les charmantes répliques du jeu, un grand nombre ont été rédigées par Itoi et l’équipe de développement dans un hôtel du quartier local de Kichijoji à Tokyo où ils passaient la nuit pour en discuter. Ça devait être difficile de rester enfermé une journée entière dans une pièce.
Brownie Brown, la société de développement de MOTHER 3, située à Kichijoji
- Hiragana : Alors qu’à l’écrit le japonais comporte habituellement des kanjis, ou caractères chinois, la série MOTHER est intégralement écrite dans le simple alphabet japonais des hiraganas afin que les enfants puissent lire le texte, eux aussi.
- Le directeur Miyazaki : Hayao Miyazaki [était] le directeur du célèbre studio Ghibli, qui a produit des films d’animation tels que le Voyage de Chihiro, le Château dans le ciel et Kiki la petite sorcière. M. Itoi a écrit des slogans pour des films du studio Ghibli. Il a également offert sa voix au personnage du père dans le film Mon voisin Totoro.
- Même cette étoile-là périra : Quand une étoile s’approche de la fin de sa vie, elle gonfle soudainement jusqu’à atteindre une taille énorme. Dans 5,5 milliards d’années, notre planète est destinée à se faire engloutir par le soleil quand cela arrivera. On pense qu’à la fin de l’univers, la planète deviendra froide, immobile, et immuable. Ainsi, comme le dit Itoi, il n’existe rien de tel que l’« éternité ».
- Je n’ai écrit qu’un seul roman : Le nom de ce roman, publié par Shinchosha, est Kazoku Kaisan (« Rupture familiale »). Le sujet traité est assez « étrange et drôle ».
Itoi donne l’exemple d’un corbillard pour illustrer l’harmonie entre « bois et métal ».
- Titre N64 : MOTHER 3 était prévu pour une sortie sur Nintendo 64 (après avoir été développé pour le 64DD et même plus tôt pour la SFC). Il avait également été annoncé avec les sous-titres : « La Forêt des chimères », « La Forêt des créatures étranges » et « La Chute du roi porcin ».
- Allons jouer sur cette île ! Porky considérait la dernière île habitée sur terre — l’île de Nullepart — comme un endroit où il pourrait faire tout ce qu’il désirait. Peut-être que Porky considérait tout ce qu’il existait au monde comme un jouet.
- Les sentiments de Porky envers Ness : Porky a fait son apparition dans MOTHER 2. C’était le garçon qui habitait à côté de la maison du personnage principal, Ness. Au terme de l’aventure, il finit par se battre contre Ness, mais comment en est-il arrivé à être aussi méchant… ? Pour ceux que ça intéresse, c’est une bonne idée de jouer à MOTHER 2.
Est-ce que Porky voulait être l’ami de Ness ?
- Tannisho : Le Tannisho est un livre du bouddhisme shin (bouddhisme de la Terre pure) qui est un courant au sein du bouddhisme. Les pensées exprimées dans le livre au sujet du bien et du mal de l’humanité pourraient nous éclairer quant à l’approche du mal dans MOTHER 3.
- « Réunion » de Kasuko Matsuo : Kasuko Matsuo est une chanteuse qui représente le genre chaleureux du « Mood Kayou » qui était populaire dans les années 60. Elle a été découverte par le célèbre chanteur japonais Frank Nagai, avec qui elle interprétera de nombreux duos, tels que le gros succès qu’a été « Tokyo Night Club ».
- Concours de chant rouge et blanc : Un concours de chant annuel sponsorisé par la NHK qui fait s’affronter les hommes contre les femmes, tenu à la fin de l’année.
- La rumeur de Flint : Maintenant que vous le dites, Flint est toujours en train de porter ce chapeau. La rumeur selon laquelle Flint = Ness pourrait provenir de sa capacité à communiquer avec les animaux, et du badge que les MM. Saturne ont nettoyé pour lui.
- La poignée de porte du joueur : Vous souvenez-vous de la poignée de porte de la maison de Flint ? Pendant l’aventure, la poignée de porte est secrètement transmise d’un personnage à l’autre, et à la fin, c’est le joueur — c’est-à-dire vous — qui la ramasse.
Thomas arrache accidentellement la poignée de porte au début de l’histoire.
- Onigiri : Boulette de riz japonaise généralement entourée d’une algue nori et fourrée de garniture.