La traduction des noms propres dans MOTHER 3

Bonjour à tous !

Cela fait déjà plus de six mois que la traduction est disponible pour tous. Depuis, elle a déjà fait l’objet de deux mises à jour visant à l’améliorer et à en corriger les défauts, notamment grâce aux retours des joueurs.

Désormais, je vais pouvoir prendre le temps d’expliquer certains de nos choix de traduction, comme je l’avais prévu depuis longtemps sans vraiment pouvoir m’y consacrer.

Aujourd’hui, nous allons donc aborder le sujet des noms propres. En effet, dans notre version française de MOTHER 3, les noms des personnages et des lieux sont, pour la plupart, traduits en français. Pourquoi les avons-nous traduits, comment avons-nous choisi quels noms traduire et comment avons-nous procédé pour les traduire, c’est ce que je vais tenter de vous expliquer dans cet article. Nous aborderons ensuite le cas de certains lieux et personnages, au cas par cas, pour expliquer le processus qui nous a conduits à leurs noms actuels.

Commençons par une question qui est loin d’être évidente : pourquoi avoir traduit les noms propres ? Ce n’est pas forcément naturel pour tout le monde ; certains considèrent qu’un nom propre ne se traduit pas. Après tout, il ne s’agit que d’un nom, et en théorie, il n’est pas nécessaire de connaître le sens qu’il porte afin de comprendre l’histoire. D’ailleurs, même si c’est la version anglaise qui a servi de base à notre traduction, il est à noter que la version japonaise comportait déjà un certain nombre de noms propres… déjà en anglais. On pourrait penser qu’il est logique de les garder en anglais dans la version française, puisqu’ils sont en anglais également dans la version japonaise.

En fait, la démarche ici a été de se placer du point de vue du joueur qui découvre un univers complexe entièrement fictif. Le joueur francophone va prendre connaissance de cet univers en se rapportant à ce qu’il connaît déjà, son univers réel. Pour qu’un personnage lui paraisse familier, il faut que celui-ci s’exprime dans la langue natale du joueur, qui est le français. De la même façon, et par souci de cohérence au sein de cet univers, il est également préférable que ce personnage ait un nom qui sonne français. La langue utilisée va donner au joueur, qu’il en soit conscient ou non, une idée de l’origine proche ou lointaine du personnage. Nous avons donc cherché à récréer une fiction cohérente et naturelle pour le point de vue d’un joueur francophone.

C’est finalement un travail assez différent de celui du traducteur qui traite une œuvre basée sur la réalité. Prenons l’exemple de Sherlock Holmes : il s’agit d’une œuvre de fiction mais basée sur le monde réel, puisque l’histoire se passe en Angleterre. Ainsi, dans le cas de ce récit, il est logique de conserver les noms des personnages et des lieux en anglais : cela fait sens pour le lecteur, même francophone, de trouver des noms propres anglais dans une fiction qui se déroule en Angleterre. À l’inverse, d’autres fictions telles que le Seigneur des Anneaux n’ont pas, ou peu, de liens avec le monde réel, ce qui explique que les noms des personnages soient généralement traduits dans ces œuvres.

Dans MOTHER 3, on se situe plutôt dans le second cas : on ne retrouve pas d’éléments scénaristiques qui justifieraient que les personnages gardent un nom anglais, puisque l’univers est totalement imaginaire. Totalement ? En fait, peut-être pas. Le monde de MOTHER 3 est rempli de références à des lieux de notre monde réel, et là où elles sont présentes, il nous est paru indispensable de les conserver. C’est pour cela que nous n’avons pas traduit certains noms, et j’y reviendrai un peu plus bas. Maintenant, pourquoi la version japonaise du jeu comporte-t-elle un grand nombre de noms propres en anglais ? Selon nous, c’est pour faire référence à l’Occident : il s’agissait d’évoquer au joueur japonais les couleurs d’un village de culture occidentale. Mais dans une fiction en langue française, la présence de noms en anglais ne produit pas le même effet, étant donné que nous sommes déjà nous-mêmes de culture occidentale. En prenant en compte cette différence, nous avons jugé bon de traduire la plupart de ces noms anglais pour la version française.

Il y a une autre raison plus simple qui nous a incités à traduire les noms propres : il se trouve que ces derniers sont souvent chargés de sens, et pour faire comprendre ce sens, il était nécessaire de les traduire. Les noms de lieux ou de protagonistes sont parfois de simples noms communs qui décrivent les particularités de ces lieux ou protagonistes, et qui peuvent même être utiles au gameplay. Ils peuvent également comporter des jeux de mots. Bref, il aurait été dommage que ces informations deviennent inaccessibles au public francophone.

Ainsi, les problématiques auxquelles nous avons été confrontées sur cette traduction sont un peu différentes de celles propres à la version anglaise. Alors que les traducteurs anglais ont beaucoup travaillé sur le hacking, l’intégration des caractères latins, et la transposition de références culturelles japonaises, de notre côté, nous avons consacré du temps à la traduction des noms propres et en particulier des noms de personnages. Néanmoins, même pour cette partie du travail, nous nous sommes beaucoup inspirés de la démarche des traducteurs anglais. En effet, et même si cette tâche était moins conséquente de leur côté, ils ont également fait le choix de traduire quelques noms de personnages.

Maintenant que j’ai expliqué les raisons qui ont motivé notre choix, voici en détail la démarche que nous avons adoptée pour traduire les noms propres. D’abord, nous avons tenté de nous informer un maximum : regarder le nom anglais, le nom japonais, rechercher les origines du nom, comprendre pourquoi il a été traduit de cette façon en anglais (le cas échéant), et trouver les éventuels clins d’œil ou références que le nom peut dissimuler. Nous avons rassemblé ces informations pour tous les personnages et lieux dans un tableau participatif. Chaque membre de l’équipe pouvait l’éditer, ajouter des informations, et soumettre ses propositions de noms en français. De quoi nous permettre d’alimenter les discussions sur les choix de traduction. Nous avons pris en compte de nombreux critères : est-ce que ce nom comporte un jeu de mots ou une référence culturelle, est-ce que le nom original est déjà trop connu auprès des fans pour qu’on se permette de le modifier, est-ce que notre traduction sonne bien, est-ce qu’elle respecte l’esprit du nom original, etc.

Maintenant que ces explications d’ordre général ont été données, c’est le moment d’aborder au cas par cas nos choix de traduction pour certains noms de personnages ou de lieu.

Les noms par défaut des personnages principaux

MOTHER 3 n’est pas un titre extrêmement populaire, mais son univers jouit d’un certain rayonnement au-delà du jeu lui-même, notamment grâce à Super Smash Bros. et à une communauté de fans très engagée. Les personnages principaux sont donc assez connus, et une partie des joueurs y est très attachée. Il nous semblait donc plutôt délicat, et parfois peu utile, de changer les noms de certains personnages devenus familiers pour de nombreuses personnes.

De plus, les noms de ces personnages peuvent être édités en début de partie. Rien n’empêche le joueur, donc, de les appeler autrement si leurs noms ne lui sont pas familiers.

Tout cela nous a incités à conserver les noms originaux des personnages principaux, même si nous avons considéré sérieusement la question pour certains d’entre eux.

Lucas, Claus

Non, je vous rassure tout de suite : nous n’avons jamais réellement entrepris de changer les noms des deux jumeaux. Mais par principe, nous y avons tout de même réfléchi.

Vous l’ignoriez peut-être, mais MOTHER 3 est un jeu inspiré d’un roman français d’Agota Kristof, Le Grand Cahier. Comme dans MOTHER 3, les deux principaux protagonistes du Grand Cahier sont deux jumeaux appelés Claus et Lucas, et il nous semblait essentiel de conserver cette référence — française, a fortiori !

Les prénoms Claus et Lucas sont, par ailleurs, deux anagrammes. Comme vous pouvez le voir, il y a bien trop de réflexion derrière ces deux noms pour que nous puissions nous permettre de les changer.

Flint et Hinawa

Voilà un sujet un peu plus délicat : les noms des deux parents. Ce sont deux noms qui font référence à des types de fusils, l’un en anglais (même si déjà présent dans la version japonaise) et l’autre en japonais.

En effet, Flint vient de flintlock, qui signifie « platine à silex » en anglais, un mécanisme utilisé dans les armes à feu, tandis que Hinawa vient de hinawa juu en japonais qui désigne un fusil à platine à mèche.

Étant donné que le mot flintlock est utilisé tel quel dans la langue japonaise, la version originale du jeu permet à son public cible de saisir pleinement les références de ces deux noms et leur thématique commune.

Cette référence est devenue inaccessible dans la version anglaise car le nom de Hinawa n’a pas été traduit, laissant les joueurs anglophones dans l’incompréhension. Il aurait été souhaitable de corriger ce problème dans la version française, mais nous n’avons pas réussi à trouver une traduction réellement satisfaisante pour les deux noms.

Le principal obstacle était, comme nous l’avons évoqué précédemment, que ces deux personnages sont déjà assez connus des joueurs et référencés dans Super Smash Bros. En modifiant leurs noms, nous risquions de déstabiliser les joueurs qui y étaient habitués depuis de nombreuses années. Tomato, auteur de la traduction anglaise, s’est retrouvé confronté au même problème alors qu’il envisageait de traduire Hinawa par Amber (« ambre », en anglais), comme il l’explique dans les notes liées à sa traduction : flint signifiant avant tout « silex », un tout autre thème aurait émergé des noms des deux parents.

Difficile de choisir donc. Peut-être fallait-il penser en priorité aux joueurs novices, à qui cette traduction est d’abord destinée ; ces joueurs-là auraient facilement accepté que les parents soient nommés Silex et Ambre, comme nous l’avions envisagé. Mais il est tout de même délicat de modifier ainsi des noms avec lesquels toute une communauté s’est familiarisée, y compris par le biais de la version anglaise. Nous avons donc préféré éviter, quitte à rendre la référence moins accessible…

Kumatora

Le problème ici est le même qu’avec Hinawa. On a un nom japonais, qui tranche avec le reste des protagonistes, et dont la signification restera méconnue des joueurs. Ce nom signifie « ours-tigre », ce qui correspond plutôt bien à la personnalité de Kumatora

Ceci étant dit, ce personnage étant plutôt mystérieux, le joueur ne sera pas forcément surpris de le voir porter un prénom exotique…

Boney

Nous sommes toujours dans les personnages principaux, avec encore les mêmes problèmes qu’impliquerait le choix de traduire leurs noms…

Il nous a semblé que le nom de Boney provenait de bone, qui signifie « os »… Benoît, un ami personnel et contributeur sur la traduction (en particulier sur les mystérieux dialogues associés à deux souris dans le grenier du chapitre 4…) a donc suggéré de traduire son nom en Oscar. Après quelques hésitations, nous n’avons pas retenu cette idée, et nous sommes restés une fois de plus sur le nom d’origine (issu de la version japonaise).

Duster (et Wess)

Là encore, nous nous sommes retrouvés en plein dilemme : fallait-il trouver des noms français équivalents ?

De la même façon que Flint et Hinawa, ces deux noms tournent autour d’une thématique commune. En anglais, duster peut désigner un chiffon ou un plumeau, quelque chose servant à nettoyer la poussière. Le mot wess, quant à lui, est plutôt une transcription japonaise d’un mot signifiant à peu près la même chose, donc il s’agit encore d’un accessoire de nettoyage.

Ici, la difficile décision de ne pas traduire les noms a été facilitée d’une part, par le fait que nous n’avons trouvé aucune traduction satisfaisante dans cette thématique, et d’autre part, parce que ces noms anglais sont déjà présents depuis la version japonaise de toute façon.

Les villageois

Une grande partie de l’intrigue de MOTHER 3 se déroule dans le petit village de Tazmily, dans lequel les noms des personnages doivent conférer à l’endroit un parfum de petite bourgade authentique à l’occidental.

La version japonaise et la version anglaise utilisent des prénoms et surnoms anglais assez typiques : Thomas, Caroline, Jackie, Angie, Matt, Jill, Paul, Linda, Sebastian, Tessie… Nous avons tenu (la plupart du temps) à les traduire, et ce pour deux raisons. Premièrement, pour retranscrire cette impression de petit village local, familier (du moins, dans la version japonaise il s’agissait plutôt d’évoquer un village occidental). Et deuxièmement, parce que d’autres noms sont des références à des mots de la langue (Lighter, Fuel, Mapson, Scamp…) ou à des éléments culturels, et qu’il aurait été étrange et peu cohérent de traduire ces noms-là uniquement.

Voici une petite série non exhaustive d’exemples de noms de villageois, accompagnés de quelques explications sur nos choix de traduction.

BriQUet et Fioul

De la même façon que Wess et Duster, ou même Flint et Kumatora, ces deux personnages sont liés entre eux par une thématique commune : cette fois, il s’agit du feu. Cette fois, nous avons opté pour une traduction assez littérale des noms Lighter et Fuel (présents depuis la version japonaise — ce sont d’ailleurs des noms communs utilisés aussi en japonais). En effet, la référence au feu étant étroitement liée aux événements qui surviennent au début du jeu, il nous semblait particulièrement nécessaire que les joueurs puissent la comprendre.

Pourtant, nous n’avons pas opté pour ces noms de Briquet et Fioul dès le départ. Nous avons mis longtemps à nous convaincre que ces deux mots pouvaient être acceptés comme étant des prénoms. Nous avons d’ailleurs été confrontés au même problème avec les personnages Abbé et Abbaye : ce sont des traductions littérales, mais est-ce que ça ne sonne pas un peu étrange pour des prénoms ?

Dans un premier temps, nous avons tenté de trouver des prénoms existants, associés à la thématique du feu. Pour Fuel (Fioul) nous avons d’abord pensé à Ethan/Éthane, ou Séraphin (de l’hébreu saraph, brûler). Pour Lighter (Briquet), nous avons suggéré Ignace (du latin ignis, le feu).

Finalement, durant nos essais, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions nous habituer assez naturellement au prénom Fioul. Pour Lighter (Briquet), nous nous sommes arrêtés sur le nom Bricket, avec une altération orthographique pour que la référence au briquet ne soit pas trop flagrante. Cette orthographe a subsisté jusqu’à la version 1.0 de la traduction. Cependant, lorsque nous sommes aperçus que les joueurs prononçaient ce nom à l’anglaise (« brickett »), nous avons opté en fin de compte pour Briquet, intégré à partir de la version 1.1.

Kad et Oli

Ces deux personnages que l’on voit régulièrement répéter des sketchs à l’humour décalé et étrange sont appelés Entatsu et Achako dans la version japonaise, du nom d’un duo comique japonais célèbre. Dans la version anglaise, ils ont été renommés en Bud et Lou, du nom de Bud Abbott et Lou Costello, un duo comique américain. Naturellement, nous avons cherché pour la version française à leur donner le nom de deux célèbres humoristes francophones.

Nous voulions néanmoins que nos deux compères restent des personnages avec leur propre identité, et pour cela, il fallait que la référence ne s’impose pas trop au joueur — un peu comme dans la version anglaise où Bud et Lou font référence à des comédiens qui sont plutôt connus par leurs noms de famille, Abbott et Costello.

Après avoir proposé Éric et Ramzy ainsi qu’Omar et Fred, nous nous sommes arrêtés sur Kad et Olivier. Pour que la référence reste discrète, nous avons raccourci Olivier en Oli.

Ce choix posait un problème cependant. Un autre villageois s’appelle Ollie dans les versions japonaise et anglaise du jeu, que nous aurions pu franciser en Olivier/Oli. Pour éviter une trop grande ressemblance, nous avons donné à cet Ollie un tout autre prénom, Aurel.

Boule et Bill

Pour ces deux jeunes hommes, nous avons ajouté une référence culturelle là où il n’y en avait pas à l’origine. Dans les versions japonaise et anglaise, ces personnages s’appellent Butch et Biff. Comme je l’expliquais plus tôt, nous avons cherché à donner aux personnages des noms qui paraissent plus naturels dans un contexte francophone.

Alors que nous cherchions des idées de noms en restant proches des sonorités d’origine, les noms de Boule et Bill se sont imposés presque naturellement. Butch (Boule) a une silhouette assez ronde, tandis que Biff (Bill) a de longs cheveux roux qui ne sont pas sans rappeler les oreilles tombantes du célèbre cocker de la bande dessinée de Roba. Quand on observe l’allure de ces deux personnages, on pourrait presque penser qu’ils ont été inventés spécifiquement pour cette référence !

Cartier

Cet étrange villageois est probablement l’un des plus importants, puisque c’est celui qui confie au joueur une carte de Tazmily et qui lui apporte des indications géographiques sur ses prochaines destinations.

Son nom d’origine est Mapson, un patronyme anglais, et bien sûr, map en anglais signifie carte. Pour suivre nos principes de traduction définis plus haut, nous devions trouver un patronyme français comportant le mot carte. Ainsi, aujourd’hui, le choix du nom Cartier paraît presque évident, mais pourtant, il nous a fallu du temps pour l’adopter. Ce n’est d’ailleurs pas ce qui nous est venu en premier.

Au départ, nous cherchions avant tout à ce que le nom comporte le mot « carte » de façon apparente, et comme MOTHER 3 aime intégrer des références culturelles, nous avions pris goût à ajouter quelques clins d’œil lorsque c’était possible. C’est pourquoi, pendant un temps, nous avions appelé ce personnage Carteman, soit une version déformée du nom d’un des principaux protagonistes de South Park. Avec la pratique cependant, ce nom donnait un sentiment de mélange français-anglais quelque peu maladroit, et la référence à l’univers de South Park, au lieu d’être subtile et discrète, se révélait un peu trop présente. C’est pourquoi nous n’avons pas gardé ce nom.

Rami et Paguet

Voici deux personnages assez peu présents dans l’histoire, mais qui constituent deux autres exemples de noms chargés de sens. Ces deux membres du Club de Bateau de Tazmily s’appellent Rowe et Paddel, deux formes altérées des mots anglais row qui signifie ramer, et paddle qui signifie pagaie. Nous avons reproduit le même procédé en français.

Jonas

C’est probablement un des cas les plus intéressants. Ce personnage, nommé Bateau dans la version anglaise, gère le service postal de Tazmily qui permet d’envoyer ses courriers par pigeon voyageur. Puisque son nom dans la version anglaise est Bateau, on pouvait penser qu’il serait naturel de le conserver pour la version française.

Cependant, ce nom nous posait problème, et ce pour plusieurs raisons. Pour commencer, on peut évoquer le fait qu’un anglophone n’a pas le même rapport avec ce terme qu’un francophone : si pour un anglophone il peut paraître original, pour nous-mêmes il s’agit d’un nom commun extrêmement banal et porteur d’un sens qui s’imposerait constamment à l’esprit du joueur, lequel se demanderait régulièrement le lien entre un bateau et ce personnage. Ensuite, il faut rappeler qu’il existe un Club de Bateau de Tazmily (en anglais Tazmily Boat Club), et ainsi, le fait qu’un personnage se nomme Bateau aurait pu être source de légères confusions.

Et puis surtout, il nous a paru nécessaire d’investiguer davantage : pourquoi ce personnage a-t-il été appelé Bateau ? Quel est le rapport avec son rôle dans le jeu, son vécu ou ses traits de caractère ? Un coup d’œil du côté de la version japonaise nous a permis de constater que dans celle-ci, le personnage se nommait バトー (batō), une forme altérée de ハト (hato) qui signifie pigeon. Le lien avec son activité au sein du service postal paraît ainsi beaucoup plus évident.

Nous avons alors cherché à donner un nouveau nom à ce personnage, en rapport avec les oiseaux. Après avoir hésité avec Merlin, nous avons opté pour le prénom Jonas, qui en hébreux signifie colombe — un oiseau assez proche du pigeon, donc.

Line, Renaud

Ces deux enfants de Thomas et Lisa (dont les noms n’ont pas été traduits) se nomment Nichol et Richie dans les versions japonaise et anglaise. Leurs deux prénoms originaux constituent un clin d’œil à l’actrice américaine Nicole Richie.

Puisque Nicole Richie est un peu moins connue dans nos contrées et que le prénom Richie ne sonne pas très francophone — sans compter qu’il y a déjà personnage appelé Richard dans cette version française — nous avons décidé d’attribuer de nouveaux noms à ces deux personnages, avec une autre référence culturelle.

Nous avons donc arrêté notre choix sur les prénoms Line et Renaud, en référence à la chanteuse et actrice française Line Renaud.

Écheffe

Écheffe est un personnage mystérieux de MOTHER 3, et nous vous invitons à passer à la rubrique suivante si vous n’avez pas terminé le jeu et que vous ne souhaitez pas que certaines informations vous soient révélées au sujet de ce personnage.

Filou

Filou est un vieil homme dont le nom comporte un jeu de mots aussi bien dans la version japonaise que dans la version anglaise. Pour ce personnage, nous sommes restés plus proches de la version anglaise, dont le double sens était plus simple à retranscrire.

En anglais, ce personnage s’appelle Scamp, qui peut signifier voyou, fripouille. Certains villageois, comme Matt, estiment qu’il porte ce surnom en raison d’un passé de bandit, de fauteur de trouble. En réalité, plus tard dans le jeu, une inscription nous apprend qu’il avait reçu ce surnom dans son enfance parce qu’il passait son temps à « scamper about », ce qui signifie gambader, courir dans tous les sens.

Nous avons donc cherché à lui donner un nom qui traduise ces deux idées de voyou et de jeune enfant qui ne tient pas en place. C’est pourquoi nous l’avons appelé Filou. Un autre choix possible aurait été Galopin. Notons que dans un premier temps, nous l’avions appelé Fripon, un nom qui suivait assez bien la première idée mais pas vraiment la seconde.

Bronson

Ce villageois s’appelle Bronson depuis la version japonaise du jeu. Le personnage est inspiré de l’acteur américain Charles Bronson, aussi bien au niveau de son nom que de son apparence physique. Nous n’avions donc pas tellement d’autres choix que de garder son nom original.

Anne, Joël, Thérèse, Michel, Sébastien, Alix, Mat, Julie…

Beaucoup de noms de villageois ont été francisés. L’objectif, comme expliqué plus haut, était de donner au village de Tazmily un parfum local. Sebastien est devenu Sébastien, Mike est devenu Michel, Jill est devenue Julie, et ainsi de suite.

Les Magypsy

Les Magypsy sont des êtres étranges, au nombre de sept, qui possèdent de mystérieux pouvoirs. Ils ne sont ni hommes ni animaux, ni hommes ni femmes. Du moins, c’est ainsi que les décrit Alec. Mais ils portent aussi des noms qui peuvent paraître étranges : en japonais et anglais, ils s’appellent Ionia, Doria, Phrygia, Lydia, Mixolydia, Aeolia et Locria.

Fallait-il traduire leurs noms, et de quelle façon ? Une fois de plus, avant d’étudier la possibilité de traduire ces noms, nous avons cherché à comprendre d’où ils provenaient. En réalité, il s’agit d’une référence au domaine musical : les sept Magypsy ont des noms empruntés aux sept modes de gammes diatoniques. Ces modes s’appellent, en anglais (et en japonais, par emprunt) : Ionian, Dorian, Phrygian, Lydian, Mixolydian, Aeolian et Locrian.

En français, ces modes s’appellent ionien, dorien, phrygien, lydien, mixolydien, éolien et locrien. Ainsi, pour conserver la même référence dans la langue de destination, nous avons rebaptisé nos Magypsy en Ionie, Dorie, Phrygie, Lydie, Mixolydie, Éolie et Locrie. Des noms très similaires, donc, mais qui possèdent quelques différences et notamment leur terminaison.

Notons que les Magypsy, qui ne sont ni hommes ni femmes, inspirent une certaine ambiguïté au niveau de leur genre. Ils sont parfois barbus, et ils se maquillent et s’expriment avec une certaine féminité. Les autres personnages peuvent parler d’eux aussi bien au masculin qu’au féminin. Dans la version française, nous avons cherché à maintenir ce sentiment d’ambiguïté. Ils s’expriment donc au masculin, même si nous avons longuement hésité sur ce point. Quant à leurs noms, la terminaison en -e en français est typique du genre féminin, tout comme la terminaison en -a que l’on trouve dans leurs noms anglais.

Fassad

Le nom de Fassad est l’un des rares qui ait été changé entre la version japonaise et la version anglaise. En japonais, il s’appelle Yokuba, de yokubari qui signifie cupide.

Les auteurs de la version anglaise ont trouvé pour ce personnage un nom que nous trouvions excellent et très bien adapté pour la version française. Fassad est dérivé du mot arabe fassad qui signifie corruption, et il s’agit également d’un jeu de mots avec le terme français façade, qui permet d’insister sur son apparence trompeuse. Un jeu de mots qui, donc, fonctionnait d’autant mieux pour notre version.

Par ailleurs, le personnage étant déjà assez connu sous le nom de Fassad depuis la sortie de la version anglaise, garder ce nom nous permettait de ne pas nous placer en opposition avec les habitudes des joueurs.

Les DCMC

Le groupe DCMC (Desperado Crash Mambo Combo) réunit cinq musiciens : OJ, Magic, Lucky, Baccio et Shimmy Zmizz. Comme vous pouvez le constater, on n’a ici que des noms anglais, ou presque, présents à la fois dans les versions japonaise et anglaise du jeu.

Nous avons choisi de ne pas traduire ces noms, d’abord parce qu’il s’agit d’un groupe de rock. Le rock étant un genre musical très lié à la culture anglo-saxonne, cela paraît logique que le groupe et les personnages portent des noms anglais.

Concernant le nom du groupe lui-même, il s’agit probablement d’un clin d’œil au célèbre groupe AC/DC, une référence que nous avons souhaité conserver. Sans compter que le nom DCMC est présent dans un très grand nombre d’éléments graphiques du jeu ; ainsi, le changer nous aurait demandé une quantité de travail extrêmement conséquente pour un intérêt finalement très discutable.

Notons que le Club Titiboo a également gardé son nom d’origine, à peu près pour les mêmes raisons.

Les Masqueporcs

L’armée des Pigmask en anglais, ou des Butamask en japonais, est une mystérieuse formation militaire qui envahit les populations avec un objectif de domination du monde.

Ses soldats portent des masques de cochons, mais leur apparence générale peut rappeler les Storm Troopers de l’univers Star Wars. Au départ, alors que nous cherchions à leur donner un nom français convaincant, nous avions eu l’idée d’aller plus loin dans cette référence à Star Wars. Nous les avions donc baptisés les Stormtrooporcs.

Le jeu de mots nous semblait sympathique, et le clin d’œil amusant. Cependant, sur la durée, nous n’avons pas trouvé cette idée très convaincante. Nous avons jugé qu’une référence culturelle se devait d’être discrète, or les Masqueporcs sont omniprésents dans le jeu. L’emprunt à l’univers Star Wars était donc rappelé au joueur à chaque instant, ce qui risquait de donner au monde de MOTHER 3 des airs de parodie alors qu’il s’agit d’un univers à part entière.

Par ailleurs, pour des raisons techniques, il était nécessaire que les noms des personnages ne dépassent pas une certaine taille, différente selon les cas. Avec le nom Stormtrooporc, cela devenait extrêmement compliqué.

Le nom Masqueporc que nous avons adopté par la suite ne nous a pas convaincus immédiatement, mais nous avons fini par nous y habituer, ce qui était bon signe. Il sonne plutôt bien en association avec les différents grades de cette armée (Capitaine Masqueporc, Colonel Masqueporc…), et posait moins de problèmes au niveau des contraintes de taille.

Porky, Dr Andonuts

Nous avons choisi de ne pas traduire les noms de ces deux personnages issus de MOTHER 2 / EarthBound. Extrêmement connus des joueurs, ces noms sont présents depuis les versions japonaises et utilisés à la fois dans Super Smash Bros. et dans toutes les éditions d’EarthBound disponibles chez nous, à la fois les versions officielles et la fan-traduction française.

Notons qu’il existe une incohérence autour du nom de Porky, qui dans la version américaine d’EarthBound est appelé Pokey. Du fait de la similarité d’écriture et de prononciation japonaise entre les mots pokey et porky, les traducteurs officiels d’EarthBound ont, selon toute vraisemblance, commis l’erreur de retranscrire le nom du personnage en Pokey, une transcription qui ne correspondait probablement pas à la volonté de l’auteur. Plus tard, Nintendo of America a revu sa copie en appelant ce personnage Porky, notamment dans Super Smash Bros. Brawl. Dans MOTHER 3, le thème des cochons étant omniprésent, il était clair que le nom Porky s’imposait. C’est la logique que les traducteurs non officiels anglais de MOTHER 3 ont adoptée, et nous sommes allés dans le même sens.

Les MM. Saturne

Cette fois, nous avons été plus hésitants. Ces créatures de l’absurde généralement appelées Mr. Saturn sont présentes depuis MOTHER 2 / EarthBound, et on les voit également apparaître dans Super Smash Bros. sous ce nom.

Mais tout aussi populaire que leur nom anglais peut paraître, il ne s’agit que d’une traduction. En japonais, ces personnages s’appellent Dosei-san, ce qui signifie littéralement la même chose (dosei, c’est la planète Saturne). Donc finalement, pourquoi ne pas les appeler M. Saturne dans la version française ?

Au début, nous étions déconcertés par cette idée, étant habitués au nom anglais comme tous les fans de la série. Mais avec le temps, ce nom de M. Saturne (et donc MM. Saturne au pluriel) a fini par nous paraître naturel, et nous l’avons gardé.

Si un jour Nintendo se décidait à sortir un jeu MOTHER traduit officiellement en français, nous serions bien curieux de voir comment ils choisiraient de les nommer…

Violine

Voilà un cas de figure assez intéressant, dans lequel le nom d’un personnage a été dicté par des contraintes techniques.

Kumatora utilise un nom d’emprunt dans le cadre de son activité au Club Titiboo. En anglais, ce pseudonyme est Violet, et dans un premier temps nous nous l’avions traduit en Violette.

Puis, pour la version 1.2 de la traduction, nous avons changé ce nom en Violine. Pourquoi cette modification ?

Pour vous expliquer, je dois d’abord revenir sur ce principe de pseudonyme et son fonctionnement dans le jeu. Kumatora est un personnage dont le joueur peut choisir le nom librement au début du jeu, puis à un moment donné de l’histoire, elle réapparaît sous ce pseudonyme de Violine. Mais qu’arrive-t-il si le joueur choisit directement de l’appeler Violine ? Dans ce cas, le programme du jeu s’adapte, procède à une inversion et fait en sorte que son pseudonyme devienne alors Kumatora.

Ce mécanisme fonctionne depuis la version japonaise, et il n’a jamais été modifié par une quelconque routine de hack. Or la contrainte de son fonctionnement, c’est que le pseudonyme de départ (Violine donc), pour pouvoir être vérifié correctement en début de partie, ne doit pas dépasser 7 caractères. Nous n’avions pas les compétences, dans notre équipe, pour altérer le fonctionnement du jeu afin que ce mécanisme puisse s’adapter à un nom de plus de 7 caractères. Ainsi, nous avons remplacé notre pseudonyme original Violette, long de 8 caractères, par Violine, plus court.

Les noms de lieux

Nous allons maintenant apporter quelques explications concernant la traduction des noms de quelques lieux, en nous limitant à ceux sur lesquels nous pouvions apporter quelques informations intéressantes.

VILLAGE DE TAZMILY

Appelé Tatsumairi en japonais, ce village conserve un certain mystère autour de son nom. Certains pensent que tatsu pourrait ici signifier dragon, mais il y a une ambiguïté. Toujours est-il que le nom Tazmily a été utilisé officiellement par Nintendo, notamment dans Super Smash Bros. Brawl. Les fan-traducteurs anglais ont repris ce nom. Étant donné que nous ne disposions pas d’autres informations, et que ce mot semblait tout aussi bien adapté au français qu’à l’anglais après tout, nous avons choisi de conserver le nom de Tazmily pour la version française.

SANCTUAIRE DE LA PRIÈRE

De prime abord, cela paraît simple. Le nom du Sanctuaire de la Prière est une traduction littérale de l’anglais Player Sanctuary, lui-même une transcription de Pureya Sanctuary dans la version japonaise.

Cependant, il y avait ici un jeu de mots très intéressant qui nous avons longtemps cherché à retranscrire. Dans le nom japonais Pureya Sanctuary, le mot pureya reprend phonétiquement le mot anglais prayer (prière), mais aussi le mot… player (joueur).

Rappelons le rôle de ce sanctuaire : il s’agit d’un lieu dans lequel une voix mystérieuse s’adresse directement au joueur afin de lui demander son nom. À cet endroit, le jeu brise le quatrième mur pour faire rentrer le joueur réel dans la fiction.

Ainsi, le Prayer Sanctuary pourrait être aussi le Player Sanctuary, le Sanctuaire du Joueur ! Dans la version anglaise, c’est le mot prayer qui a été choisi, mais le mot player n’est pas loin, à une lettre près… En français, les mots prière et joueur étant très différents, nous avons exploré d’autres options pour tenter de reproduire un effet similaire. Mais nous n’avons pas abouti à quelque chose de convaincant. C’est pourquoi nous nous sommes contentés d’une traduction littérale.

CHÂTEAU D’OSOHÉ

Passons rapidement sur le petit changement opéré sur la transcription du nom de ce château. Normalement, オソヘ devrait s’écrire simplement Osohe, comme c’est le cas dans la version anglaise. Ici, nous avons ajouté un accent aigu sur le e final, afin de lever les doutes sur la prononciation. Pour la même raison, on retrouve cet accent aigu dans le titre en version française de Princesse Mononoké.

Notez que le nom de ce château est également un jeu de mots. En effet, heso signifie nombril en japonais, ce qui n’est pas dénué de sens quand on connaît la légende du Dragon ténébreux et les emplacements des Aiguilles… Nous ne sommes pas allés jusqu’à retranscrire en français ce jeu de mots qui nous paraît tout de même un peu obscur.

FORÊT POURPRE

Ce cas est intéressant car cette fois-ci, nous nous sommes démarqués du choix de la traduction anglaise alors que c’est majoritairement sur celle-ci que nous nous sommes basés tout au long du projet. Le nom original de cette forêt est Murasaki no Mori, ce qui signifie « La Forêt Violette ».

Tomato, l’auteur de la traduction anglaise, a fait le choix de conserver le terme Murasaki tel quel en l’appelant Murasaki Forest. Sur EarthBound Central, Tomato justifie sa décision en expliquant tout simplement que les autres options telles que Purple Forest ou Violet Forest ne sonnaient pas très bien, et que de plus, « violet » faisait penser à « violent » mais aussi au nom du personnage de Violet (Violine, en français).

En français, nous avons trouvé que la situation était différente. Si nous conservions le terme Murasaki, l’aurions-nous appelée « forêt Murasaki », qui sonne un peu étrange, ou « forêt de Murasaki », qui du coup signifierait « forêt de Pourpre » ? Pas très convaincant… À l’inverse, « forêt Pourpre » sonnait justement très bien. Il donne à cette forêt un côté mystérieux, sombre, sauvage.

Pour autant, nous ne nous sommes pas débarrassés du terme Murasaki dans la version française. La source chaude qui se trouve au cœur de la forêt s’appelle en effet source Murasaki, et nous avons tenu à conserver ce nom, comme un souvenir. Après tout, ce n’est pas la première source chaude à garder un nom japonais : la source Kokori, dans la orêt Ensoleillée, lui fait écho. Comme chaque source chaude est indiquée par un panneau sur lequel on peut lire un haïku, poème japonais, la présence de quelques sonorités de cette langue ne semblait pas injustifiée.

NEW PORK CITY, EMPIRE PORKY BUILDING

Nous avons ici un cas assez similaire avec celui des DCMC : des noms anglais, présents depuis la version japonaise du jeu, et qui sont en anglais pour une raison bien précise. En effet, New Pork City fait bien évidemment allusion à New York City, tandis que l’Empire Porky Building est un clin d’œil au bien célèbre Empire State Building.

Durant le projet, il a été évoqué l’idée de les remplacer par des éléments de la culture française, et notamment de renommer l’Empire Porky Building en Tour Montporcnasse. Pourquoi pas, mais dans ce cas, comment appeler la ville ? Poris ? Pas très convaincant… Surtout que New Pork City ressemble justement plus que tout au modèle stéréotypé d’une ville américaine !

Ainsi, il nous a semblé plus logique de laisser tout cela en anglais. D’autant que cette ville de New Pork City est déjà extrêmement connue des joueurs depuis qu’elle est devenue un terrain pour Super Smash Bros. Brawl.

Bonus : PSI / PK

Les joueurs de MOTHER en version japonaise et de Super Smash Bros. connaissent bien les attaques spéciales appelées PK : PK Fire, PK Freeze, PK Flash… Ce sont des attaques qu’utilisent les personnages dotés de pouvoirs psychiques, appelés PSI. Ainsi, cette discipline qui consiste à faire usage de pouvoirs psychiques s’appelle la PSI, tandis que certaines attaques permises par ces pouvoirs psychiques sont appelées PK. Ça, c’est ce qu’on apprend dans les jeux en version originale.

Il règne une certaine confusion autour de ces dénominations, en raison d’un manque de cohérence entre les traductions des différents jeux. Dans la version américaine de MOTHER 2 / EarthBound, l’abréviation PK dans les noms d’attaques a été remplacée par PSI, et ainsi, les deux notions sont confondues. Dans Super Smash Bros., Nintendo of America a rétabli la distinction, en rendant aux attaques leurs noms originaux : PK Thunder, PK Fire, etc., des noms qu’on retient clairement grâce aux textes du jeu et aux voix des personnages jouables. Cependant, c’est du côté de la version française des jeux Super Smash Bros. que les deux notions se retrouvent à nouveau confondues, puisque les expressions PSI et PK sont toutes les deux traduites en PSY. Du côté non officiel, la fan-traduction anglaise de MOTHER 3 fait la distinction entre PSI et PK, tandis que la fan-traduction française d’EarthBound suit les principes de Super Smash Bros. en français, en utilisant l’appellation PSY partout.

Dès lors, quelle position fallait-il adopter pour notre projet ? Fallait-il distinguer les deux notions, les fusionner, fallait-il écrire PSI ou PSY ? Comme souvent, notre démarche a été de nous interroger sur les raisons de cette variabilité entre les traductions, d’essayer de comprendre le sens des notions PSI et PK, mais aussi de chercher d’où elles pouvaient provenir et si elles étaient dotées de traductions en français. Enfin, nous avons également interrogé quelques joueurs pour connaître leur position sur la question.

Commençons d’abord par nous interroger sur cette variabilité entre les traductions. Du côté de Nintendo of America, nous comprenons qu’il y a eu par le passé une volonté de simplification, et que la tendance actuelle est de revenir sur ces simplifications pour se rapprocher au mieux de la version japonaise. Les traductions françaises (pour Smash) n’en sont pas encore là, on simplifie encore tout en PSY, mais la raison est probablement que la série MOTHER est considérée par les officiels comme inconnue des joueurs français, et que ça ne vaut pas le coup de leur imposer une telle subtilité pour ce qui n’est qu’un ensemble d’attaques dans un jeu de combat. De notre côté, c’est différent : puisque nous souhaitions nous investir sérieusement dans la traduction d’un RPG complexe en français et présenter au public francophone toutes les subtilités d’un univers, cela faisait sens d’adopter une démarche différente.

Voyons ensuite ce que peuvent signifier ces notions de PSI et PK, et si leur distinction fait sens. Quelques recherches nous apprennent que PSI semble désigner la parapsychologie, dont on dit que les phénomènes liés sont appelés phénomènes Psi — y compris en français. En particulier, la parapsychologie étudie les pouvoirs psioniques (ou en anglais psionics), auxquels il est souvent fait référence dans les RPG. L’article Wikipédia français sur la parapsychologie nous apprend également que « les phénomènes psi sont généralement classés en deux grandes catégories », l’une des deux étant la psychokinèse, abrégée en PK. Ainsi, dans notre fiction, les héros sont dotés de pouvoir utilisant la psychokinèse, une faculté bien précise, définie et étudiée par des spécialistes en pseudo-sciences, et ces pouvoirs font partie d’une discipline plus large mais tout aussi définie et étudiée par des spécialistes en pseudo-sciences (sans vouloir donner de légitimité réelle aux pseudo-sciences, c’est une autre question). Ainsi, aucun doute possible : leur distinction fait sens. Et à aucun moment dans nos recherches nous n’avons repéré une quelconque notion qui en français puisse s’abréger en PSY.

Nous avons interrogé quelques joueurs sur la question, et nous avons remarqué que malgré certaines incohérences dans les traductions, les exclamations vocales « PK Fire! », « PK Freeze! » de Ness et Lucas dans Super Smash Bros. avaient un certain impact dans l’inconscient collectif. Ce sont généralement ces noms-là que les joueurs s’attendaient à voir dans MOTHER 3.

Toutes ces réflexions nous ont conduits à adopter les mêmes dénominations que dans les jeux japonais et que dans la traduction anglaise non officielle de MOTHER 3, malgré l’incohérence avec les éditions françaises de Super Smash Bros.

Conclusion

Outre les retouches graphiques, la traduction des noms propres a probablement constitué notre plus gros travail créatif sur le projet. Même dans les cas où aucun changement n’a été effectué par rapport à la version anglaise ou japonaise, de longues réflexions ont été menées.

Nous avons tenté d’adopter une démarche raisonnée, et de peser chacun de nos choix, en nous inspirant des travaux effectués par l’équipe de traduction anglaise. Pour des personnes n’ayant pas eu de véritables expériences de traduction auparavant, prendre des décisions a été parfois difficile, mais toujours intéressant. Bien sûr, certains choix sont personnels, peuvent être contestables et ne plairont pas à tout le monde. C’est le lot de toute traduction.

N’hésitez pas à poster un commentaire si vous souhaitez réagir sur un ou plusieurs points abordés dans cet article, nous faire part de votre approbation, de votre désaccord, ou nous apporter une information que nous ne connaissions peut-être pas ! Nous trouverons peut-être d’autres occasions de vous parler du projet si cela vous intéresse ; nous pourrions aborder la traduction des noms des ennemis, certains points du script, les jeux de mots, ou encore, les aspects techniques comme le hacking ou la traduction des éléments graphiques. À bientôt !

♥  Popularité

3 réflexions au sujet de « La traduction des noms propres dans MOTHER 3 »

  1. Merci pour tous ces points de détails, vraiment passionnants… je débute le jeu et la trad française est réellement charmante!

  2. Cet article est passionnant, vraiment. J’ai déjà joué à plusieurs jeux fan-traduits en français mais c’est la première fois que je vois un article aussi complet explicitant point par point les choix (ô combien difficiles !) de valider tel ou tel nom. Cela enrichi d’autant plus le jeu, que ce soit en termes de compréhension de la volonté des créateurs, que des anecdotes de la traduction en français. Vraiment, bravo et merci pour ce boulot !

    • Merci pour ces mots encourageants !

      Tu me fais d’ailleurs penser que je devrais mettre à jour cet article, j’aurais bien quelques éléments à y ajouter.

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